samedi 25 octobre 2008

La fin d'une époque

Le restaurant Mam'bia, haut lieu de la culture capverdienne à Paris, va définitivement fermer ses portes à la fin du mois. C'est une grande perte pour la communauté capverdienne, qui ne dispose pas de véritable structure culturelle et pour laquelle le Mambia constituait, depuis de nombreuses années déjà, l'un des repaires - si ce n'est l'unique - où se produisaient tous les artistes capverdiens de passage à Paris, dans un cadre moins informel et plus détendu que sur une scène quelconque.

Le Mam'bia, c'est aussi une gastronomie de très bonne qualité, ainsi qu'une atmosphère très conviviale et bon enfant, qu'a si bien su créer la patronne, Fernanda, d'une extrême gentillesse et d'un sens de l'humour très apprécié. Lors des différents spectacles, la spontanéité est toujours de mise et le public joue un rôle actif. On ferme les yeux, et on se sent tout de suite ailleurs, quelque part à Mindelo, au beau milieu d'une serenata improvisée. C'est magique.

Un dernier concert aura lieu le jeudi 30 octobre. On pourra entendre notamment Teofilo Chantre (Fifi pour les intimes), et Lutchinha, chanteuse à la voix de velours. Tous les capverdiens et autres amateurs sont vivement invités. Réservation recommandée.

Mam'bia - 9 bis, cour des Petites Ecuries - Paris 10ème. M° Château d'Eau

jeudi 23 octobre 2008

Liberté de la presse : le Cap-Vert juste derrière la France dans le classement RSF

Encore un classement mondial qui vient de paraître, et qui met en valeur le développement démocratique du Cap-Vert. Cette fois-ci, il s'agit de la liberté de la presse.

Le classement, établi par Reporters Sans Frontières et dévoilé hier, place le Cap-Vert à la 36ème place mondiale, juste derrière la France (35ème), ex æquo avec les Etats-Unis, l'Espagne ou encore l'Afrique du Sud.
C'est une hausse de neuf places par rapport à l'année dernière, hausse tout à fait remarquable compte tenu du contexte mondial dans lequel, selon RSF, "les grandes démocraties sont déstabilisées et placées sur la défensive, grignotant peu à peu l’espace des libertés". Ce dernier constat ne concerne donc pas - fort heureusement - le Cap-Vert.

lundi 13 octobre 2008

De l'art de "faire du grog"

Quiconque a voyagé au Cap-Vert connaît forcément le grogue, ou aguardente, soit pour en avoir entendu parler, soit pour en avoir goûté et en ce cas probablement apprécié. Cet alcool, qui ne présente guère de ressemblance avec le "grog" que nous connaissons ici, est issu de la distillation de la canne à sucre, et est produit principalement sur l'île de Santo Antão, le "jardin" sinon du Cap-Vert, du moins des îles du Nord.
Plus précisément, il est distillé dans les nombreux trapiches (ateliers artisanaux) qui jonchent les vallées verdoyantes près de Paul ou de Janela, dans la partie Nord de l'île. Mais il est surtout consommé sur l'île voisine de São Vicente, bien plus peuplée en raison de sa ville, Mindelo, qui passe pour être la cité de tous les plaisirs et de tous les excès.
Ainsi, de nombreux récits narrent les péripéties qui entourent le transport de ces marchandises si particulières.
Tout commence par la traversée de l'île, de Ribeira Grande (alias Povação), au Nord, jusqu'au petit port de Porto Novo, au Sud. Ce parcours long de 36 km s'effectue sur une route impressionante tant par sa quantité de lacets que par son tracé qui passe par les hauts sommets du centre de l'île, avec des vues panoramiques à couper le souffle. Surnommée la route de la corde, cette voie pavée, véritable monument historique, dont la construction il y a un demi-siècle demeure pour beaucoup synonyme de labeur, d'exploitation, et de misère, est l'unique lien qui rattache les deux parties de l'île - du moins jusqu'à l'ouverture imminente d'une nouvelle route qui doit longer la côte.
Puis vient la traversée périlleuse de l'étroit chenal qui sépare les deux îles, la Mer du Canal, celle qui est si contrariante et versatile, comme le dit la chanson interprétée par Bana et Cesaria Evora (Mar d'Canal, bo é carambolente...). Dans un passage de Galo cantou na baia (Le coq a chanté dans la baie), Manuel Lopes décrit l'humeur des quelques passagers - et notamment d'une vendeuse transportant du grogue - embarqués sur le raffiot de Jom Tudinha, et qui croient vivre les derniers moments de leur vie, face à des vents obstinément contraires et à une mer déchaînée, qui les empêchent de gagner Mindelo. Un autre récit raconte la dérive d'une felouque qui devait rejoindre Mindelo et a finalement terminé sa longue course sur les côtes du Brésil. L'histoire dit que les passagers ont échappé à la mort par déshydratation, mais qu'à leur débarquement, leurs esprits étaient ailleurs : dans ces circonstances, quand la soif se fait sentir, on ne regarde pas à la boisson !
La traversée de ce canal a longtemps hanté les esprits des Cap-Verdiens, qui voient la mer comme un obstacle, comme celle qui sépare les îles plutôt que celle qui les relie.

Voilà une des raisons, entre autres, et sans rentrer dans des considérations gustatives, pour lesquelles le grogue est apprécié à Mindelo. Parce qu'il vient de loin, et en même temps, de tout près. Parce qu'il contient un petit quelque chose de l'île voisine, qui pour beaucoup de Mindelenses, à une époque encore récente, n'était qu'une ombre inatteignable planant au-dessus de l'horizon.
Le "grogue velha" est aussi, pour le voyageur, un des quelques rares éléments qu'il pourra ramener de son périple, pour offrir à ses proches, qui risquent fort d'apprécier.

Mais l'expression créole "fazê grogue", littéralement "faire du grogue", a une signification particulière. En effet, les Mindelenses ont l'habitude de se retrouver en début de soirée sur la Praça Amilcar Cabral, couramment surnommée Praça Nova. Cette charmante place rectangulaire agrémentée d'un kiosque est le point de rencontre de toutes les générations pour discuter, échanger les dernières nouvelles, s'amuser, écouter la fanfare municipale, draguer. Et les gens, au lieu de rester sur place à bavarder, ont plutôt coutume de marcher lentement en faisant plusieurs fois le tour de la place.
Ce mouvement de rotation rappelle celui des boeufs autour du pressoir qui extrait le suc de la canne, d'où l'expression "fazê grogue", qui veut donc dire "se divertir en faisant quelques pas autour de la place et retrouvant ses amis".
A noter que la même tendance par la population locale à "faire du grogue" a été remarquée à Ponta de Sol, sur la place centrale. Curieux, tout de même !

mercredi 8 octobre 2008

Une nouvelle biographie pour Cesaria Evora


Ça y est, c'est certain : une nouvelle biographie de Cesaria Evora va sortir dans les tous prochains jours. Intitulé Cesaria Evora et le Cap-Vert, ce livre est le second essai que la journaliste du Monde, Véronique Mortaigne, consacre à la Diva aux pieds nus, onze ans après son premier ouvrage, Cesaria Evora, la voix du Cap-Vert.

La similarité entre les titres des deux livres laisse-elle deviner que le second n'est qu'une simple mise à jour du premier ? Nous ne sommes pas en mesure d'y répondre. Toujours est-il que de nombreux événements ont eu le temps de se produire en ces onze dernières années et ils méritent bien d'être développés dans une biographie digne de ce nom.
On pourra citer par exemple la sortie des albums Café Atlântico (1999), São Vicente de longe (2001), Voz d'amor (2003), ou encore son dernier opus, Rogamar (2005). Il y a aussi les couronnements aux Victoires de la Musique, ou aux Grammy Awards, et les décorations prestigieuses. Dans cette dernière période, Cesaria a également conforté sa notoriété et sa popularité, sortant de l'image "intimiste" qui lui collait à la peau, et devenant une véritable star internationale adulée aux quatre coins du monde, à la faveur des nombreuses collaborations avec des artistes parfois inattendus. On peut également citer son véritable acharnement, son "stakhanovisme" selon les termes de V. Mortaigne, qui lui a fait enchaîner des tournées internationales à une cadence élevée, et ce, malgré son âge et ses petits problèmes de santé. Mais il y a aussi cette grande humilité, cette générosité sans bornes, qui n'ont pas été éclipsées par le succès.

Cesaria Evora et le Cap-Vert contient des photographies de Pierre René-Worms, qui a beaucoup suivi la chanteuse, au même titre que Youri Lenquette ou Eric Mulet.

S'il est des artistes qui n'hésitent pas à communiquer abondamment sur leur vie dès qu'ils aperçoivent les premières lueurs du succès -parfois éphémère-, Cesaria Evora a toujours voulu préserver sa vie privée, et distiller les rares informations la concernant à petites gouttes. Ainsi, un petit tour sur le net peut paraître déconcertant pour quiconque souhaite se lancer dans une recherche sur Cesaria Evora : son site officiel, www.cesaria-evora.com, n'a quasiment pas été mis à jour depuis son lancement il y a trois ans. Seul un site quasi confidentiel, www.cesaria.info, semble apporter quelques rares pistes. La communication reste donc volontairement floue, privilégiant le bouche-à-oreille, face aux sirènes de la mondialisation de l'information et des nouvelles technologies. C'est en ce sens que Cesaria Evora est demeurée authentique.
Dans ce même ordre d'idées, elle n'accorde que de rares interviews. D'ailleurs, les seuls ouvrages la concernant à ce jour contiennent parfois des ressemblances troublantes. Il s'agit de :
  • Cesaria Evora, la voix du Cap-Vert, Véronique Mortaigne, Actes Sud, mars 1997
  • Cesaria Evora, biografia autorizada, José Manuel Simões, Publicações Europa-América, novembre 1997
  • Cesaria Evora : la diva du Cap-Vert, Sandrine Teixido, Editions Demi-Lune, mars 2008

dimanche 5 octobre 2008

Meninos di rua - les enfants de la rue


En dépit de toutes les images d'Epinal présentant le Cap-Vert comme une destination paradisiaque, il faut bien garder en tête qu'il s'agit tout de même d'un pays du Tiers-Monde, même s'il est récemment passé de la catégorie des PMA (Pays les Moins Avancés) à celle des PED (Pays En Développement). Bien qu'il soit relativement exempt de problèmes sociaux tels que le crime organisé, la grande délinquance, ou encore la corruption (voir un des articles précédents), ses deux villes principales, Praia et Mindelo connaissent quelques difficultés en matière de sécurité, notamment en raison du développement de la petite délinquance, et du phénomène "d'enfants des rues".

A leur arrivée, les touristes sont quasi systématiquement informés de ce danger potentiel par la population locale ainsi que par les autorités, et on leur conseille vivement de ne porter sur eux que le strict minimum : pas de sac à dos ni de sac-banane, pas de grosses coupures, pas de carte bancaire ni même de papiers d'identité. L'appareil-photo est également à proscrire, ce qui est le comble pour un touriste !
En effet, la plupart des habitants se promène sans aucune de ces extensions pourtant si courantes en France, tant et si bien qu'un touriste qui ne respecte pas ces règles somme toute de bon sens devient une forte tentation pour les acteurs de la petite délinquance. De la même façon, il est fréquemment conseillé de prendre le taxi pour rentrer chez soi la nuit, même s'il ne s'agit que de faire quelques centaines de mètres. Alors, excès de prudence ou danger bien réel ?

Parfois, ces recommandations paraissent quelque peu exagérées, eu égard à la tranquillité des rues et à la dimension des villes. Rappelons que la capitale Praia compte 90.000 habitants tandis que Mindelo totalise à peine 63.000 habitants : rapportées à l'échelle française, il s'agit de petites villes de province ! Les problèmes de sécurité n'ont par conséquent rien à voir avec ceux que l'on peut rencontrer tous les jours, ne serait-ce qu'à Paris intra muros, sans même parler des banlieues. Cela ne signifie pas pour autant que la délinquance n'existe pas, mais les propos tenus par la population sont à relativiser.
Certes, il arrive quelquefois que des incidents se produisent, notamment à Praia, mais ils ne concernent pas les touristes : ce sont en général des règlements de compte, qui ont lieu dans les banlieues malfamées. En revanche, l'on rencontre à Mindelo un certain nombre d'enfants des rues qui accrochent les touristes dans l'espoir d'obtenir quelques escudos. Ces pauvres enfants, mal vêtus, souvent pieds-nus, ne sont pas intrinsèquement dangereux. Mais ils ont grandi dans la rue, qui leur a enseigné ses mauvais tours pour survivre. Sans famille, privés d'affection, ils font comme ils peuvent pour combattre leur mauvaise fortune.
Pourtant, ils constituent une infime minorité, fort heureusement. Car dès l'accession à l'indépendance en 1975, le gouvernement cap-verdien a misé sur l'éducation en en faisant une priorité de son action. L'école est obligatoire pour tous jusqu'à 14 ans. Mais pour aider les "cas sociaux" potentiels, il n'existe que peu - ou pas du tout - de structures sociales telles que nous les connaissons en France, ce qui fait que ces enfants sont malheureusement livrés à eux-mêmes. C'est cette réalité qu'illustre le clip ci-dessus, interprété par la jeune Mayra Andrade et la MC Malcriado.

MAYRA ANDRADE & LA MC MALCRIADO - Mas Amor

Mayra : Nos da mas amor a mininos di rua, na Praia na Luanda, mininos na ragazu, homi di manhã
Stomy : Fuchinke est un gosse natif de São Vicente, vole pour manger, fait la manche deux, trois, quatre, cinq cents,
Tudo gente conchêl, tudo gente gosta d’ele, policia também, ele ka tem documente. (Tout le monde le connait, on l'aime bien, même la police, il n'a pas de papiers)
Oh João no salta kel parede lá tem cumida,
(Oh João, nous sautons ce mur, là il y a à manger)
Bébé à tête de tueur, il n'a pas de tuteur,
Eh bo Kaká bem mos, m'ta sperob
(Eh toi, Kaka, viens mec, je t'attends)
Personne sait s'il a mère, père, frère ou sœur,
Les pieds nus il marche dans la rue, dort dehors c'est son univers, fait les terrasses des bars, finit tous les verres, dans tous les ghettos du monde et j'ai vu ça au Cap-Vert.
JP : C'est pour tous les jeunes lâchés, enfance gâchée, qui trainent livrés à eux-mêmes et qui mènent une vie à l'arrachée, cachée aux yeux du monde, l'orphelin vit dans son monde, accroché à des rêves, trop près de la réalité.
S'bô podé bo tem k'ijdá, ka bô tem med dajudá,
abri bô coraçon no tem kjunta, s'bô fcha oi ka ta dá,
(Si tu peux tu dois aider, n'aie pas peur d'aider,
ouvre ton coeur, nous devons nous unir, si tu fermes les yeux ça ne va pas)

J'ai la rime humanitaire pour tous les frères qui subissent la misère ness terra.
Izé : Je veux entendre la Ola pour les enfants des favelas, de Paris à Manille en passant par Praia, je veux pas de Rémi sans famille, je veux plus de ça.
E ka fácil di vivi so sem pai, É ka fácil di vivi so sem mãe, sem irmã, sem irmon, ça fait mal.
E ka facil di vivi so, ess mundu é duédo.
(Ca n'est pas facile de vivre sans père, sans mère, sans sœur, sans frère, ça n'est pas facile de vivre seul, ce monde est dingue)
Mayra : Konde bo oia um minino, pensa m'el é bo irmon, pensa m'el é bô fidje, oia funte d'sé coraçon, solidão k'ta lá, é mas grande do que el, sol é sé pai, lua é sé mãe, braça um minino bo t'compo mundu
(Quand tu vois un enfant, pense qu'il est ton frère, pense qu'il est ton fils, regarde au fond de son cœur, la grande solitude qui s'y trouve, plus grande que lui, avec le soleil pour père et la lune pour mère, prends un enfant dans tes bras et tu améliores le monde)
Jacky Brown : Une pensée à tous ces enfants abandonnés, laissés sur le bas-côté que la vie n'a pas aidés, non non... Enfants de la rue, seuls au monde et sans issue, sur leurs visages le sourire a disparu, même dans leurs yeux les étoiles ne brillent plus, l'amour les a perdus de vue.


Il existe malheureusement d'autres sources d'insécurité, qui commencent à se répandre dans ce pays qui en a longtemps été épargné. La drogue en est une des principales causes, car le Cap-Vert devient une plaque tournante de plus en plus attractive sur les routes internationales de la drogue.
Deux souvenirs funestes hantent ma mémoire.

Le premier, c'est celui d'un petit garçon d'une douzaine d'années, assis à l'ombre d'un container dans le port de São Filipe, sur l'île de Fogo. Son regard a perdu l'innocence juvénile, et il tient au creux de sa main une boulette enveloppée dans un sac plastique. D'un air racoleur, il me la montre. Il rit beaucoup, comme pour faire oublier la gravité du marché qu'il veut me proposer. Comme je ne comprends pas, il approche ce petit paquet de sa narine, en me signifiant l'usage que je pourrais en faire! Vraisemblablement de la cocaïne, donc. Quelle triste image.

Le second a lieu sur la plage peu fréquentée de Ponta Preta, sur l'île de Sal, à quelques centaines de mètres du gigantesque complexe hôtelier espagnol. Un jeune garçon de 22 ans, frêle mais sûr de soi, s'approche de moi. Son seul but : m'extorquer de l'argent. Il essaie de me refiler trois misérables coquillages pour 10 euros. Apparemment, ça marche, car il me dit qu'en moyenne il arrive à recueillir 60 euros par jour, parfois 100 ! Somme énorme rapportée au niveau de vie local, mais consentie avec condescendance par tous ces étrangers qui se donnent bonne conscience et croient faire œuvre de charité. Erreur ! Puis il me propose de la marihuana, pour le prix que je veux : c'est à chacun selon ses moyens ! Voyant que je ne mors pas, il me parle de cocaïne. Il me dit que la veille, il s'est fait deux rails dans une des discothèques de Santa Maria, "c'était trop fun", et il esquisse deux traits parallèles sur le sable fin de cette belle plage, en guise d'illustration. Il me dit qu'il peut m'en vendre pour 50 euros. Je suis littéralement horrifié. Jamais on ne m'avait abordé aussi spontanément, sans détour, pour ce genre de trafic. Mais cette discussion s'emballe et vire rapidement à une spirale infernale que je tente bon an mal an de faire cesser. Voilà qu'il me propose des avances d'un tout autre ordre ! Je comprends avec terreur que ce jeune homme s'adonne à la prostitution. Ainsi, l'argent qui coule à flots en raison du développement touristique ne fait pas que contribuer à l'amélioration des conditions de vie. Les vacanciers qui séjournent ici veulent à tout prix retrouver les mêmes distractions et les mêmes lieux de plaisir que chez eux. Ils ont bien le droit, après tout, puisqu'ils ont payé pour venir ! Ils peuvent même s'essayer à une débauche nonchalante, loin des regards critiques de leurs proches. Ce qui entraîne de nouveaux problèmes sociaux (drogue, prostitution) que l'État peut difficilement contrer avec les modestes moyens dont il dispose. De plus, le gouvernement peut difficilement mordre la main qui le nourrit...

Ce type de tourisme était jusqu'à récemment l'apanage de l'île de Sal, mais il tend à se répandre sur l'île voisine de Boa Vista, avec les mêmes problèmes : certains voyageurs se sont déjà plaints d'avoir été agressés. L'argent est souvent source de problèmes multiples.

En guise de conclusion, voici ce qu'écrivait Manuel d'Novas il y a quelques années, dans la chanson "Ess Pais" interprétée par Cesaria Evora :

Li nô ca tem riqueza
Nô ca tem ôro nô ca tem diamante
Ma nô tem ess paz di Deus
Qui na mundo ca tem
E êss clima sabe qui Deus dóne
Bem conchê êss pais

Nous n'avons pas de richesses
Nous n'avons pas d'or ni de diamants
Mais nous avons cette paix de Dieu
Qu'on ne trouve nulle part ailleurs
Et ce doux climat que Dieu nous a donné

samedi 4 octobre 2008

Cesaria Evora, l'infatigable

Après un repos de trois mois, qu'elle a passé entre la région parisienne et sa ville natale de Mindelo, Cesaria Evora a repris sa tournée qui va l'amener à sillonner l'Amérique du Nord, jusqu'à la fin du mois d'octobre.
On se souvient de la brutale décision prise début juin, d'annuler l'ensemble des concerts de la Diva aux Pieds Nus pour une durée indéterminée, mais au moins égale à trois mois. Cette décision, annoncée à contrecœur par José da Silva, l'imprésario de Cesaria Evora, faisait suite au malaise que Cesaria avait subi à Sydney, lors de son apparition pour le festival Womadelaide le 8 mars dernier. Ce malaise s'était révélé être rien de moins qu'un accident vasculaire cérébral. Pas assez en tout cas pour effrayer la chanteuse, qui est remontée plusieurs fois sur les planches, notamment à Rome le 22 avril à l'occasion du Earth Day (retransmission ici). Les observateurs avaient pu remarquer l'extrême fatigue de cette grande dame de la chanson, sa voix très affaiblie et légérement altérée, mais également sa pugnacité, et sa volonté de se battre contre ce destin qui l'a si longtemps éloigné de la reconnaissance internationale.
Pour point de départ de cette nouvelle tournée, Cesaria Evora a choisi d'honorer son pays, auquel elle est tant attachée. Invitée d'honneur du festival de Santa Maria, sur l'île de Sal, le 13 septembre dernier (voir photo), Cesaria Evora a ému ses compatriotes, qui n'ont pas souvent l'occasion de l'entendre sur scène, tant elle est prise par ses pérégrinations autour du monde. Comme une bénédiction venue du ciel, la pluie est tombée quelques instants plus tôt - chose rarissime sur cette île gagnée comme les autres par la sécheresse - prodiguant un souffle de vie et d'espérance pour ce peuple très dépendant des aléas climatiques.
Cette pluie salutaire a été célébrée en son temps par Amilcar Cabral, héros national lâchement assassiné quelques mois avant l'indépendance du pays, pour laquelle il s'est battu, poète à ses heures, et qui a composé des vers touchants repris par Cesaria Evora dans le morceau Regresso, figurant dans l'album São Vicente de Longe.

Retour

Vieille Maman, viens écouter près de moi
Le battement de la pluie sur notre porte
C'est une sonorité bienveillante
Qui fait vibrer mon cœur

Viens, vieille Maman, viens près de moi
Reprends tes forces et approche de la porte
Car la pluie amie vient nous saluer
Son martèlement résonne dans mon cœur

C'est notre amie la pluie, vieille Maman,
Cette pluie qui n'est pas tombée aussi fort depuis si longtemps !
J'ai entendu dire que Cidade Velha et l'île tout entière
En peu de jours se sont transformées en jardin

On dit que la terre s'est couverte de verdure
D'une couleur encore plus belle que celle de l'espérance
Et que le Cap-Vert porte enfin bien son nom !
C'est une tempête qui a fait place au bonheur

Souhaitons donc à Cesaria Evora une bonne reprise, sous ces nouveaux auspices et beaucoup de bonheur pour la suite qui s'annonce intéressante, avec la perspective d'un nouvel album annoncé pour le début de l'année 2009, se Deus quiser, c'est-à-dire si Dieu le veut.

Photo: expressodasilhas.sapo.cv

Le Cap-Vert, sur le podium des pays africains les moins corrompus

Dans son dernier rapport sur l'état de la corruption dans le monde, l'ONG Transparency International a publié un classement de 180 pays en fonction de leur "indice de perception de la corruption".
Il s'agit d'un indicateur qui prend en compte la perception du niveau de corruption affectant l'administration et la classe politique en se basant sur différents sondages et enquêtes d'opinion.
Sans grande surprise, ce sont des pays industrialisés qui se retrouvent en tête de classement, tels le Danemark, la Suède et la Nouvelle-Zélande, tandis que les dernières places sont occupées tour à tour par des pays "faillis", des pays en guerre ou des régimes autoritaires : citons la Somalie, l'Iraq, l'Afghanistan, le Myanmar ou encore le Soudan.
La France, quant à elle, occupe la 23ème place, ex aequo avec le Chili et l'Urugay. Elle se place derrière la Suisse, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, ou encore les Etats-Unis, mais devant l'Espagne, le Portugal, l'Italie, et la Grèce : peut mieux faire, donc.

Et le Cap-Vert dans tout ça ?
Le continent africain est encore largement rongé par ce fléau, qui semble persister.
Seuls trois Etats africains se distinguent par leur indice : le Botswana, Maurice, qui a nettement progressé depuis le dernier rapport, et le Cap-Vert. Celui-ci occupe une place honorable, tout à fait digne d'un pays européen. Avec sa 47ème place, qui le situe ex aequo avec la Hongrie, le Cap-Vert fait mieux que nombre de pays d'Europe de l'Est, à commencer par la Pologne, mais aussi la Lettonie, la Lithuanie, la Slovaquie, la Croatie. D'après Transparency International, le Cap-Vert est même moins corrompu que l'Italie...
Voilà un argument qui montre que le Cap-Vert est un des pays les plus surs du continent africain.
Il va sans doute conforter les investisseurs et les touristes dans l'idée que le Cap-Vert est une excellente destination pour investir ou pour passer ses vacances. Tout cela est évidemment excellent pour le pays, qui bénéficie d'une croissance économique estimée entre 6 et 7% pour l'année 2008 (là où la France sera probablement entre 0 et 1%). A condition que les retombées économiques du développement puissent profiter à tous les habitants, et que la croissance rapide et quelque peu anarchique du secteur touristique, principal levier économique, ne conduise pas à un désastre écologique, comme cela semble malheureusement se profiler... Mais c'est un autre sujet...