mardi 18 août 2015

Cesaria Evora, racontée par Elzbieta Sieradzinska

Avec la sortie de l'album posthume "Mãe Carinhosa" en 2013, la publication de cette nouveau biographie tout simplement intitulée "Cesaria Evora" est sans aucun doute l'événement marquant de ces dernières années pour les fans de la Diva aux pieds nus. Du moins, pour les nombreux fans Polonais, puisque cet ouvrage est rédigé dans la langue natale d'Elzbieta Sieradzinska, l'auteur, qui a également été la grande admiratrice et amie intime de Cesaria Evora. Espérons qu'il puisse un jour atteindre un public encore plus large, car il s'agit d'un véritable trésor, d'une biographie comme il n'en existait pas jusqu'à présent. 
En effet, comment expliquer qu'une artiste telle que Cesaria Evora, véritable star internationale, icône mondialement reconnue de la "World" musique, soit l'objet d'un nombre aussi limité de biographies, qui se comptent sur les doigts d'une (seule) main* ? C'est sans doute parce que raconter la vie de Cesaria ne peut pas se faire en se contentant de rester à la surface des choses. Cesaria était une personne énigmatique, difficile à cerner, et entourée d'un certain halo de mystère qu'elle savait d'ailleurs bien entretenir, comme pour se protéger. Ou était-ce plus simplement de la pudeur, une discrétion anachronique à bien des égards. Elle s'exprimait peu en public sur sa vie privée et ne laissait guère transparaître ses émotions. Pourtant, elle avait aussi un caractère bien trempé, avec des hauts et des bas, qui pouvait rebuter plus d'un intervieweur aguerri. D'ailleurs, elle n'était pas intéressée par l'idée de voir sa vie étalée au grand jour. Ce qui l'intéressait c'était de chanter, comme elle l'a fait toute sa vie, et d'être reconnue en tant que chanteuse, indépendamment de sa personnalité ou des détails de la vie qu'elle a pu mener. En ce sens, elle était à contre-courant de la mode qui veut que l'on ne jure que par le besoin d'exister et de "faire le buzz". En réalité, elle ne partageait nullement les codes du monde du show-biz et ne s'y sentait pas particulièrement à l'aise lorsqu'elle était tenue de le fréquenter. En définitive, pour pouvoir écrire une biographie juste et profonde, il fallait quelqu'un comme Elzbieta Sieradzinska.
Elzbieta a avant tout cultivé une grande passion et admiration pour Cesaria Evora, puis elle est devenue petit à petit la confidente et amie incontournable, ainsi que le compagnon de route de nombreuses tournées à travers le monde. Elle est sans doute la personne qui a la connaissance la plus complète de tous les détails, et qui possède une des plus importantes collections d'objets liés à Cesaria Evora, allant de disques introuvables, d'éditions spéciales, d'affiches, photos, flyers, et autres goodies en tous genres. De surcroît, elle manie l'art d'ecrire avec une grande habileté, d'autant plus qu'elle travaille au quotidien au milieu des livres et qu'elle n'en est pas à son premier essai. Rappelons que Elzbieta Sieradzinska est également l'auteur d'un guide de voyage sur le Cap-Vert (en langue polonaise) ainsi que de la traduction de la biographie de Véronique Mortaigne dans la langue de Mickiewicz.
Ce qui frappe donc, dans cette biographie, c'est le parti pris, très personnel et subjectif, adopté par l'auteur, qui a eu la chance de véritablement connaître son "sujet" et qui ne se contente pas de reprendre à son compte des bribes d'interviews glânées ici ou là dans la presse. C'est l'entremêlement d'impressions, de sensations, de découvertes, d'anecdotes, qui rendent cette biographie vivante. De plus, ce livre est riche en informations historiques, géographiques, culturelles. Enfin, le soin apporté au graphisme et à l'aspect extérieur de l'ouvrage le font entrer indéniablement dans la catégorie des "beaux livres".

*on citera par ordre chronologique:
Cesaria Evora, biografia autorizada - José Manuel Simões - 1997 (langue portugaise)
Cesaria Evora, la voix du Cap-Vert - Véronique Mortaigne - 1997
Cesaria Evora, la diva du Cap-Vert - Sandrine Texido - 2008
Le Cap-Vert & Cesaria Evora - Véronique Mortaigne et Pierre-René Worms - 2008
Appelez-moi Cize - entretiens avec Matthieu Boudsocq - 2009

Signalons également l'excellent documentaire d'Eric Mulet et Anaïs Prosaic intitulé Morna Blues (1996).

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