Le premier long métrage capverdien. Rien de moins. C'est ainsi que se définit ce beau film d'Ana Lisboa, dont le titre évoque - il s'agit peut-être d'une coïncidence - une œuvre de Marguerite Duras. Mais la comparaison s'arrête là.
Cabo Verde Nha Cretcheu ("Cap-Vert mon amour") est une oeuvre magistrale. Réalisée avec peu de moyens, elle parvient à mettre en lumière, avec force et précision, la violence des relations entre hommes et femmes, la conflictualité, le viol, la pédophilie, autant de sujets tabous et pourtant bien présents dans la société capverdienne - comme dans toute société d'ailleurs.
Laura, Flavia et Bela sont amies depuis l’enfance, et rien n'a pu les séparer. Laura est riche. Mariée à Ricardo, un instituteur, elle jouit d'une situation sociale importante. Laura est commerçante et élève seule ses enfants. Bela est une femme battue par son mari, peintre et alcoolique, qui tente de fuir ses malheurs par des aventures extra-conjugales. Toutes les trois se retrouvent pour faire du jogging, pour danser, dîner et s'amuser. Mais cet équilibre apparent dans leurs vies s'effondre tel un chateau de cartes, après que Ricardo a violé Indira, la fille aînée de Laura, âgée de 13 ans. L'amitié est alors remise en question, les véritables personnalités se révèlent, les secrets de famille se dévoilent, les vieilles histoires refoulées ressurgissent...
Le fait que la jeune cinéaste se soit attaquée à ces sujets montre son courage et sa profonde détermination à faire bouger les lignes, à secouer l'ordre tacitement établi. Et ce n'est pas la première fois qu'elle le fait : Ana Lisboa dans un de ses précédents opus retraçait déjà le destin d'Amilcar Cabral, icone révolutionnaire, qui s'est insurgé contre le pouvoir colonial en place...
Pourtant, quelque violents que soient les thèmes abordés, ils sont d'emblée sublimés par le caractère poétique profond de la mise en scène, qui va bien au-delà de l'aspect documentaire. Il s'agit bel et bien d'une fiction, où le beau évacue le mal, où la symbolique dépasse la trivialité. Quelques pointes d'humour et d'ironie décèlent l'aisance et l'acuité de la cinéaste, et instillent par moments une certaine distanciation bien nécessaire, ce qui met davantage en relief le fait que Cabo Verde Nha Cretcheu constitue une tragédie moderne, au sens dramatique du terme. Des personnages incapables d'agir sur leur destinée, des tempéraments d'une violence rare, une issue funeste, sont quelques éléments communs à la tragédie classique.
Ana Lisboa fait pourtant entrevoir un faible rayon d'optimisme dans l'avenir, qui n'est pas sans rappeler la fin de Rocco et ses Frères de Visconti, dans lequel le personnage principal dit: "le contremaître, quand il commence à construire une maison, jette une pierre sur l'ombre de la première personne qui vient à passer, parce qu'il faut un sacrifice pour que la maison soit bien droite et solide".
Cet approche utilitariste du destin d'Indira est un peu gênante pour le spectateur, et le scénario souffre aussi de quelques autres faiblesses : par exemple, la mort d'Indira paraît vite oubliée par sa mère qui avait pourtant été particulièrement affectée par son viol. Mais ces quelques points sont peu nombreux, et font davantage ressortir le talent de la réalisatrice, qui parvient à imprimer une métaphore de ces dures destinées à travers l'image, qui ouvre et clot le récit, d'une jeune tortue sur la plage qui cherche à gagner les flots.
Enfin, il convient de noter que le film, bien que se déroulant à Praia, est accompagné de douces mornas et de coladeras, symboles des îles du Nord de l'archipel (S. Vicente, S. Antao), et qui apportent une atmosphère suave et mélancolique qui soutient efficacement le récit.
Cabo Verde Nha Cretcheu a été tourné en format video, et a dû être converti en 35mm en vue de sa distribution en salles. Néanmoins, bien qu'ayant été présenté en marge du festival de Cannes, ainsi qu'au festival Miroirs et Cinémas d'Afrique à Marseille, où il a obtenu la mention spéciale du jury, le film n'a malheureusement pas trouvé de partenaire qui veuille bien "risquer" de le distribuer en salles.
Le film a été projeté le 17 avril dernier au Musée Dapper, et malgré toutes les difficultés qui entourent sa distribution, il semble que certaines salles en province aient enfin accepté de le diffuser. La réalisatrice est toujours à la recherche de nouvelles salles de cinéma partenaires, et fait appel à toutes les bonnes volontés. C'est un film qui en vaut vraiment la peine.
Cabo Verde Nha Cretcheu ("Cap-Vert mon amour") est une oeuvre magistrale. Réalisée avec peu de moyens, elle parvient à mettre en lumière, avec force et précision, la violence des relations entre hommes et femmes, la conflictualité, le viol, la pédophilie, autant de sujets tabous et pourtant bien présents dans la société capverdienne - comme dans toute société d'ailleurs.
Laura, Flavia et Bela sont amies depuis l’enfance, et rien n'a pu les séparer. Laura est riche. Mariée à Ricardo, un instituteur, elle jouit d'une situation sociale importante. Laura est commerçante et élève seule ses enfants. Bela est une femme battue par son mari, peintre et alcoolique, qui tente de fuir ses malheurs par des aventures extra-conjugales. Toutes les trois se retrouvent pour faire du jogging, pour danser, dîner et s'amuser. Mais cet équilibre apparent dans leurs vies s'effondre tel un chateau de cartes, après que Ricardo a violé Indira, la fille aînée de Laura, âgée de 13 ans. L'amitié est alors remise en question, les véritables personnalités se révèlent, les secrets de famille se dévoilent, les vieilles histoires refoulées ressurgissent...
Le fait que la jeune cinéaste se soit attaquée à ces sujets montre son courage et sa profonde détermination à faire bouger les lignes, à secouer l'ordre tacitement établi. Et ce n'est pas la première fois qu'elle le fait : Ana Lisboa dans un de ses précédents opus retraçait déjà le destin d'Amilcar Cabral, icone révolutionnaire, qui s'est insurgé contre le pouvoir colonial en place...
Pourtant, quelque violents que soient les thèmes abordés, ils sont d'emblée sublimés par le caractère poétique profond de la mise en scène, qui va bien au-delà de l'aspect documentaire. Il s'agit bel et bien d'une fiction, où le beau évacue le mal, où la symbolique dépasse la trivialité. Quelques pointes d'humour et d'ironie décèlent l'aisance et l'acuité de la cinéaste, et instillent par moments une certaine distanciation bien nécessaire, ce qui met davantage en relief le fait que Cabo Verde Nha Cretcheu constitue une tragédie moderne, au sens dramatique du terme. Des personnages incapables d'agir sur leur destinée, des tempéraments d'une violence rare, une issue funeste, sont quelques éléments communs à la tragédie classique.
Ana Lisboa fait pourtant entrevoir un faible rayon d'optimisme dans l'avenir, qui n'est pas sans rappeler la fin de Rocco et ses Frères de Visconti, dans lequel le personnage principal dit: "le contremaître, quand il commence à construire une maison, jette une pierre sur l'ombre de la première personne qui vient à passer, parce qu'il faut un sacrifice pour que la maison soit bien droite et solide".
Cet approche utilitariste du destin d'Indira est un peu gênante pour le spectateur, et le scénario souffre aussi de quelques autres faiblesses : par exemple, la mort d'Indira paraît vite oubliée par sa mère qui avait pourtant été particulièrement affectée par son viol. Mais ces quelques points sont peu nombreux, et font davantage ressortir le talent de la réalisatrice, qui parvient à imprimer une métaphore de ces dures destinées à travers l'image, qui ouvre et clot le récit, d'une jeune tortue sur la plage qui cherche à gagner les flots.
Enfin, il convient de noter que le film, bien que se déroulant à Praia, est accompagné de douces mornas et de coladeras, symboles des îles du Nord de l'archipel (S. Vicente, S. Antao), et qui apportent une atmosphère suave et mélancolique qui soutient efficacement le récit.
Cabo Verde Nha Cretcheu a été tourné en format video, et a dû être converti en 35mm en vue de sa distribution en salles. Néanmoins, bien qu'ayant été présenté en marge du festival de Cannes, ainsi qu'au festival Miroirs et Cinémas d'Afrique à Marseille, où il a obtenu la mention spéciale du jury, le film n'a malheureusement pas trouvé de partenaire qui veuille bien "risquer" de le distribuer en salles.
Le film a été projeté le 17 avril dernier au Musée Dapper, et malgré toutes les difficultés qui entourent sa distribution, il semble que certaines salles en province aient enfin accepté de le diffuser. La réalisatrice est toujours à la recherche de nouvelles salles de cinéma partenaires, et fait appel à toutes les bonnes volontés. C'est un film qui en vaut vraiment la peine.
1 commentaire:
Bonjour,
Comment rentrer en contact avec la réalisatrice du film ?
ludo.valette@gmail.com
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