mardi 13 octobre 2009

Frusoni, le poète de Mindelo

Peu connu voire ignoré à l'extérieur du Cap-Vert, Sérgio Frusoni fut un grand poète dont le talent a marqué l'histoire culturelle de l'archipel. Né à Mindelo de parents italiens, Frusoni n'a eu aucune peine a adopter et promouvoir la culture du pays qui l'a vu naître. Il a été l'un des premiers auteurs à revendiquer le statut de langue au créole, sinon sur le plan instututionnel, du moins sur le plan littéraire. Ainsi, Simone Gomes conclut dans son étude consacrée à Frusoni, que ce dernier fait partie des rares auteurs qui "confèrent au créole, à travers l'écrit, une dignité poétique, étant donné qu'à l'époque, la langue créole transmettait quasi exclusivement mornas et coladeras". Autre point important, Frusoni a rédigé la plupart de ses poèmes sous deux versions : en créole et en portugais.
Salarié d'une compagnie de télégraphe le jour, écrivain la nuit, ce troubadour passionné de théâtre a longtemps tenu une chronique littéraire sur les ondes de Radio Barlavento, radio implantée sur l'île de São Vicente, où Cesaria a fait ses débuts dans les années 1960. Très attaché à son île natale, il n'aura de cesse de lui rendre hommage à travers ses poésies empreintes de nostalgie et d'un charme suranné. Les thèmes principalement abordés dans son oeuvre sont les scènes du quotidien, mais aussi la faim, ainsi que les problématiques exacerbées par l'émigration, notamment l'attachement à la terre, les adieux, le retour au pays, la mer, tout ce que certains commentateurs n'hésitent plus à regrouper sous le vocable de "terra-longisme".
Enfin, dans son oeuvre, Frusoni accorde une part importance à la femme, et en particulier à son statut au sein de la société mindelense.
Mort quelques semaines à peine avant l'accession du Cap-Vert à l'indépendance, Frusoni aura oeuvré à sa manière à l'émergence d'une nation, en participant à la défense d'une idendité linguistique et culturelle.

Quelques-uns de ses poèmes furent mis en chansons. L'exemple le plus connu est sans doute "Temp' d'Canequinha" qui évoque la splendeur passée et la décadence de la ville portuaire de Mindelo, à une époque où les routes du commerce maritime international ont délaissé le port de Mindelo au profit d'autres ports mieux équipés. Les premières paroles disent en substance ceci : "Jadis, São Vicente, c'était autre chose...". Le texte empreint d'amertume n'est pas pour autant dépourvu d'humour et de sensibilité, lorsque l'auteur évoque le "bon vieux temps". En somme, c'était mieux avant...

La version interprétée par Dany Silva


Um vez Soncente era sabe,
Um vez Soncente era ote cosa,
Conde sês amdjer tava usa
Um lenço, um chalce cor de rosa
Um blusa e um conta d’coral
Conde pa sês boi nacional
Es tava morná té manché
Conde sem confiança nem abuso
Es ta sirvi sês café
C’sês ratchinha d’cuscuz

Conde pa Nossa Senhora da Luz
Tinha um grande procissão
Conde ta cantode Santa Cruz
Conde ta colode pa Sanjon
Na Ribeira d’Julião
Conde ta cutchid na pilon
Ta cantode na porfia
Conde ta tchubeba na porta
Ta vivide cu mas gosto
E cu mas alegria

Es ca tava anda mod agora,
Na mei d'miséria, chei d'fome
Ta imbarca, ta ba 'mbora,
Sem um papel sem um nome
Mod’ um lingada d’carvão
Era colheta na tchom
Era vapor na baía,
O Soncente na quês dia
Até gote d’Mané Jom
Tava ingorda na gemada

Pa tud'es rua de morada
Era um data d'strangêr
Era uma vida folgada,
Cicerone, vada airada,
Ta nada na d'nher
Di note sentode na pracinha
Ta partid gonhe assim:
Penny pa bô pa mi
Penny pa bô, pa mi
Era temp d’canequinha

2 commentaires:

Mic Dax a dit…

Et pour être un peu plus complet, il faut mentionner le soutien de Frusoni à la politique belliqueuse de Mussolini. Ils ont été nombreux à se tromper, et donc voilà, Frusoni en était.

Titim a dit…

Merci Mic pour cette précision que j'ignorais. Tu l'as dit, ils ont été nombreux à se tromper.